lundi 11 juin 2018

Mon frère - Daniel Pennac



Il n'y a sans doute rien de plus puissant que les liens du sang et ce n'est pas Daniel Pennac, auteur de la merveilleuse saga de la famille Malaussène qui dirait le contraire. Voilà près de 30 ans que les aventures de cette famille font le bonheur de plusieurs générations de lecteurs.

Cependant, ce n'est pas Benjamin, Louna, Clara ou encore Thérèse que l'on retrouve dans son dernier roman mais, sans grande surprise à la vue du titre, de son frère : Bernard.

2007, alors qu'il est sur l'autoroute, Daniel Pennac reçoit un appel qui va bouleverser. Son frère aîné, Bernard vient de décéder. Malade depuis quelques années, c'est au cours d'une intervention médicale et des suites d'une erreur que va s'éteindre celui qui était son point de repère.

Passe le chagrin et la colère, mais pas le manque. Ce manque est toujours présent. 10 ans après, Daniel Pennac rêve de cette route, de ce coup de fil et de cette effroyable annonce. Réveillé un jour à 5h du matin avec ces images en tête et se décide à l'écrire. La suite, qui lui viendra tout naturellement est un véritable chef d'oeuvre. Il raconte au fil des pages et avec une tendresse infini qui était son frère.


Entre chaque souvenir de son frère, se glisse les passages d'une nouvelle d’Herman Melville : "Bartleby, le scribe". Cette nouvelle, dont le personnage centrale est un employé de bureau ne souhaitant pas travailler et répondant à toutes les demandes par "je préférerais pas" fut mise en en scène et jouer par Pennac lui-même. Mais que vient faire ce personnage étrange au milieu d'un texte dédié à son frère ? Aussi farfelu que cela puisse paraître, tout s’entremêle à merveille. Mieux encore, Bartleby, quittant finalement la scène sans donner de réponse à son attitude laisse le public en plein désarroi et seul, seul face ses questionnements.
Certains voudront y trouver un seul, mais comme face à la mort, peut importe le sens qu'on souhaite lui donner, nos questions restent finalement sans réponse.


Et c'est là, pour moi, le vrai génie de Daniel Pennac qui au terme d'un roman touchant sans être larmoyant et teinté d'humour arrive à nous bouleverser.


"Mon frère" de Daniel Pennac est disponible aux Editions Gallimard.

The indian cowboy de Berger et Phyleep



Lors du marché de l’auto-édition à Maison Alfort, mon regard s'est posé sur deux ouvrages dont une bande dessinée défendue par son scénariste, Corentin Berger .

Parcourant les pages de la BD, ce sont les dessins qui m'ont vraiment poussé à en faire l’acquisition. Le thème, bien que n'étant pas mon style de prédilection, me semblait être une idée très originale et je voulais voir ce que cela pouvait bien donner.

Prenez des flics, ajoutez des zombies, une pincée de cowboys et un soupçon d’extraterrestres et vous obtenez ce comics éminemment audacieux qu’est «The indian cowboy ».

Bien que préférant les illustrations plus classiques, j'ai trouvé les coups de crayon de Phyleep plus qu’intéressants et surtout collant à merveille avec l’univers SF de cette étrange histoire.


 Après lecture, je suis convaincu que cette aventure hors du commun peut  vraiment plaire à un public amateur de SF ou tout simplement aux curieux qui comme moi seraient intrigués par cet extraordinaire mélange des genres

Malheureusement, un tel univers mériterait sûrement d'être un peu plus développé. En effet je pense qu'avec seulement 45 planches  il est difficile, voir impossible, de raconter cette abracadabrante aventure sans omettre des détails importants qui permettraient une meilleure compréhension des événements se déroulant sous nos yeux. Résultat, ayant le sentiment de ne pas avoir tous les éléments en mains, je me suis senti perdu au milieu.


Quant aux  textes, si j'ai bien aimé les parties narratives au début (planches 11 et 12), les dialogues sont un peu trop clichés à mon goût. Mais, le gros point noir reste l’orthographe. Les nombreuses coquilles qui se sont glissées dans les bulles ne vont pas améliorer la réputation faite aux ouvrages du 9e art à qui l'on reproche trop souvent de malmener la langue de Molière.

Nonobstant je pense que, car ils en ont le potentiel et qu'à force de travail, Berger et Phyleep peuvent parvenir à créer un monde fascinant avec des personnages dont les traits de personnalité seraient plus étoffés et viendraient renforcer l’histoire.


Ne coûtant seulement que 10€, je vous invite à vous faire votre propre opinion en découvrant “The Indian Cowboy »


samedi 26 mai 2018

Arrête avec tes mensonges


"Le premier amour est toujours le fort, il reste la rive et le port."

C'est sur ces paroles de Michel Sardou que je commence cette nouvelle chronique car en effet, nous allons parler du premier amour, pas du mien bien évidement, mais celui de Philippe Besson.
Cependant qui dit premier amour, dit aussi premier chagrin.

2007, dans la bar d'un hôtel bordelais se déroule une interview, celui de Philippe Besson, auteur connu et reconnu dont le talent ne fait plus aucun doute. "Les passants de Lisbonne" son précédent roman aurait bien mérité également que je lui dédie une chronique et en profite pour tout simplement vous le recommander.

Mais revenons plutôt à ce bar d'hôtel car c'est là que commence notre histoire. Alors qu'il répond aux questions, toujours intéressantes, d'une journaliste, un jeune homme entre dans le hall de l'hôtel. Il ne peut s'empêcher de voir et regarder cet inconnu qui s'en rien faire vient de le chambouler.
Une force intérieure que nul n'aurait pu contenir le pousse à se lever et courir pour rattraper le jeune homme.

Son cœur s'emballe et ses yeux ne peuvent pas y croire. C'est bien lui et pourtant c'est impossible. Il est là, devant lui, son tout premier amour : Thomas.

Lui revient alors en mémoire de tendres mais aussi de douloureux souvenirs.

Dans les années 70, Sardou chante "La maladie d'amour" et dans son village charentais, le petit Philippe n'y échappe pas, cette douce maladie va s'emparer de lui.


Le petit charentais est un enfant frêle, aimant les livres et...c'est un jeune homme beau comme un dieu, qui s'en rien faire a mis le feu à sa mémoire, il est un homo comme ils disent.

Thomas préfère la compagnie des filles, un peu rebelle et surtout beau garçon, il fait tourner la tête de toutes les filles de son école.

Il a tout d'un amour impossible et c'est pourtant avec lui que Philippe Besson va découvrir ses premiers émois, les plaisirs du corps et son premier chagrin d'amour.

Qui est donc ce jeune homme qui lui ressemble tant ? Qu'est devenu cet amour de jeunesse ? 


Ce roman plein de tendresse et extrêmement touchant est disponible aux Editions Pocket.

dimanche 13 mai 2018

Quand Dieu apprenait le dessin


Loin d'être triste, Venise est l'une des plus belles villes que j'ai eu la chance de visiter.

À bord du vaporetto, nous conduisant des bords de l'Italie à cette éternelle République de Venise, nous faisons également un voyage dans le temps. Déjà au loin se dessinent devant nos yeux les plus beaux monuments de la cité : la Basilique Santa Maria della Salute, le palais des doges, le campanile et la place San Marco.


San Marco ! Saint Marc ! Quelle bizarrerie de voir cet évangélisateur de l'Égypte, le premier évêque d'Alexandrie être le saint protecteur de la cité des doges.

Une bizarrerie qui prend ses sources aux confins du Moyen-Âge, au IXe siècle.

Fondée des siècles plus tôt, la petite lagune de Venise est le fruit de quelques peuples s'étant réfugiés sur ces îlots pour se protéger des envahisseurs.

Petit à petit, Venise s'agrandit et se développe grâce au commerce. Ses habitants se révèlent être de formidables marins et leurs flottes l'une des plus puissantes d'Europe et du bassin méditerranéen.

Seulement, en ces temps troublés, la ville est menacée par la fragilité de l'Empire de Charlemagne, sombrant dans la barbarie depuis que son fils Louis le Chauve lui a succédé.
Rome et ses papes successifs aimeraient quant à eux prendre la main sur la riche cité vénitienne.

Justinien, alors doge de la ville, trouva un moyen de se protéger : doter la ville de reliques saintes, lui conférant ainsi un caractère sacré.



L'édification de Venise sur ces reliques était également une plus belle histoire à raconter que celle des fuyards.

Mais quel saint choisir ? Ce sera Saint Marc, bien que celui-ci n'ayant fait que passer dans la lagune, rapatrier les ossements du saint en terre chrétienne alors qu'ils reposent en terre musulmane est un symbole fort envoyé au monde.

Le tribun Rustico pratique, avec quelques décennies d'avance, un véritable commerce triangulaire.
Contre quelques pièces d'or ou des épices, il fourni aux phéniciens et aux égyptiens des esclaves qu'il se procure en Europe.
Durant l'un de ses voyages, il fait la rencontre du moine Thodoald qui se balance corde au cou à la branche d'un arbre. Des villageois en colère s'étaient persuadés que ce moine était responsable de la perte de leur récolte.
Sauvé de justesse, ce moine soiffard et lubrique lui sera à son tour de bon secours face à un tribunal ecclésiastique l'accusant d'hérésie.

De retour à Venise, Justinien lui confit cette mission exceptionnelle : voler au nez et à la barbe des musulmans les ossements de Saint Marc.
S'organise alors une expédition complètement folle. Accompagnés du Tribun Bon, voilà Rustico et Thodoald en chemin pour Alexandrie.
Comment arriver à leur fin ? Sortir les armes serait un suicide. C'est alors par la ruse qu'ils devront dérober les saintes reliques.


Dans un roman admirablement écrit, Patrick Rambaud nous fait revivre cette épopée palpitante que seul le Moyen-Âge pouvait nous offrir.

"Quand Dieu apprenait le dessin" est publié aux éditions Grasset.




dimanche 11 février 2018

Entrez dans la danse



Je mourrais d'envie pour vous parler de ce livre, de vous faire écouter ou réécouter la fabuleuse danse macabre de Camille de Saint Saens, car la danse dans laquelle nous invite Jean Teulé dans son dernier roman est une danse noire.

Prenons la destination du Saint-Empire Romain Germanique et plus particulièrement la capitale alsacienne, Strasbourg. Depuis 1262, la cité strasbourgeoise, affranchie de l’autorité de son prince-évêque est devenue une ville libre. La petite république strasbourgeoise va donc élire ses représentants. L’ammeister, le chef de la ville est élu par les délégués des corporations pour un an

Petit à petit, grâce notamment au commerce fluvial, Strasbourg va s’agrandir et s’enrichir au fil des siècles. Devenue une véritable place forte, la vie intellectuelle va considérablement être bouleversée par une toute nouvelle invention, l’imprimerie. Dès lors la ville va accueillir près d’une dizaine d’imprimerie faisant d’elle un véritable centre d’imprimerie.
C’est donc sans surprise que l’on voit de nombreux intellectuels et artistes attirés par Strasbourg.

Mais, plus haut on est monté, plus la chute est violente.


Juillet 1518, l’Ammeister de Strasbourg Andreas Drachenfels, marchand de bière de métier aurait bien besoin d’une petite mousse pour se rafraîchir. Accablé par la chaleur de l’été et la sécheresse, les strasbourgeois sont en plus frappé par une véritable famine.

Une belle jeune fille déambule dans les rues de la cité avec un nourrisson dans les bras, se dirige vers la rivière et d’un geste empli de désespoir y jette le pauvre nouveau né. Frau Troffea retourne alors auprès de son mari, un graveur de Strasbourg, assurant à sa femme que se débarrasser de l’enfant était la meilleure chose à faire. Leurs voisins, les Gebviller, eux ont opté pour une toute autre solution.

Sans dire un mot, Frau Troffea va se lever, se diriger dans la rue et danser. Se rongeant les dents avec les os de leur enfant qu’ils viennent de manger, les Gebviller regardent interloqués la jeune femme se trémousser. De petits picotements se font alors ressentir dans les jambes de Jérôme Gabviller qui se lève et danse à son tour.

Cette danse va peu à peu s’étendre et entraîner de plus en plus de personnes qui vont se mettre à danser sans pouvoir s’arrêter. Durant plusieurs jours, c’est avec le diable au corps que ces malheureux vont se déhancher jusqu’à tomber de fatigue. Près de 400 strasbourgeois vont entrer dans cette danse macabre.

C’est ce fait divers des plus étranges que Jean Teulé raconte dans son dernier roman avec son style et son humour qui font son succès depuis ses débuts. Certes le langage utilisé et assez fleuris (comme toujours avec Teulé) ne colle pas à l’époque, mais cet anachronisme ne retire rien à la qualité et l’intérêt de ce roman historique.

A l’ombre des murs des bâtiments officiels et religieux de la ville, l’Ammeister et l’évêque de Strasbourg se disputent sur la résolution de cette épidémie. Si le premier fait tout d’abord appel aux médecins pour venir en aide à la population, il comprend vite que ce qui pousse les gens à la folie c’est la faim. Le religieux lui, y voit la colère divine et se refuse d’ouvrir le garde-manger de l’Eglise.

Si la ville est libérée de son prince-évêque, le représentant de l’Eglise n’en a pas moins la vie d’un prince. Tout comme le Saint-Siège fait payer depuis quelques temps la clémence de dieu (les indulgences) pour financer ses folies architecturales, Guillaume de Honstein capte toutes les richesses et les denrées alimentaires pour son propre compte.


Dans le même temps, les idées d’un moine encore inconnu dénonçant tous ces excès fleurissent un peu partout sur les portes de Strasbourg…mais qui est donc ce Martin Luther ?

Outre ce phénomène étrange et la manière dont il est traité par les autorités de la ville, c’est une véritable critique des travers du catholicisme, mais plus encore, c’est la naissance d’une nouvelle religion qui allait changer le court de l’Histoire qui nous est conté  par Jean Teulé.

Je ne peux pas m’empêcher d’ailleurs de vous retranscrire, en intégralité, le dernier chapitre : « Cinquante-quatre ans plus tard, c’était la Saint-Barthélemy ».

Ce court chapitre est en autre une invitation à lire ou relire « Charlie 9 » de Jean Teulé qui vous conduira dans les coulisses de ce massacre, mais aussi une formidable transition pour le prochain article que je vous proposerai.

En attendant, je vous laisse entrer dans la danse.


Vous pouvez également en découvrir un peu plus en retrouvant l'excellent Frank Ferrand qui y a consacré un épisode de son émission "Au cœur de l'Histoire" : http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-de-l-histoire/lintegrale-la-danse-mortelle-07022018-3568091

"Entrez dans la danse" de Jean Teulé, est publié aux Editions Julliard




jeudi 8 février 2018

Victor Hugo vient de mourir


Au détour d'une rue lors d'une promenade dans Paris, je me retrouvai par le plus grand des hasards mais également par le plus grand des bonheurs Place Victor Hugo.

C'est non loin de là, au 124 de l'Avenue de l'Eylau que, Victor Hugo, le plus illustre des poètes et des auteurs français prit ses appartements à la fin des années 1870.

A l'aube de son quatre-vingtième anniversaire, Paris lui offrit une fête immense et lui rendit le plus beau des hommages en renommant l'avenue qui allait dorénavant porter le nom du poète et en défilant sous ses fenêtres pour le voir et le saluer chaleureusement.


Ce parcours nous mène au roman de Judith Perrignon, ancienne journaliste de "Libération" et pigiste pour des revues comme "Marianne" ou "XXI".

Le 22 mai 1885, "monsieur Victor Hugo, en son avenue", rendit son dernier soupir. La France fut saisi par cette perte immense. C'est un véritable séisme qui ébranla alors non seulement la famille, mais qui fit également trembler la IIIe Répulique. 

130 ans après la disparition de Victor Hugo, elle nous fait revivre ces quelques jours nous séparant du moment où Victor Hugo rendit l'âme à celui de son enterrement. C'est tout d'abord la tristesse d'une famille perdant un être cher qui nous est dépeinte. Mais, ce qui prit alors le plus d'importance et que nous retranscrit formidablement Judith Perrignon fut la réaction du peuple et la crainte que celle-ci provoqua chez les hommes politiques. En effet, toute sa vie et durant sa carrière politique, Victor Hugo se fit la voix du peuple et le gouvernement Ferry eu peur que cette mort soit reprise par les anarchistes ou d'autre contre la République.

"Victor Hugo vient de mourir", est un roman historique passionnant, écrit telle une chronique de l'époque nous faisant découvrir heures après heures cet événement  de l'intérieur.


Edité chez l'Iconoclaste, "Victor Hugo vient de mourir" est également disponible aux Editions Pocket.

samedi 3 février 2018

Shelton & Felter



Changeons un peu de registre ! Quittons l’univers des romans pour faire un tour du coté de la bande dessinée, qui était à l’honneur il y a peu lors du festival international d’Angoulême.
Certes la BD dont je vais vous parler, "Shelton & Felder" de Jacques Lamontagne n’y a reçu aucune récompense, mais elle mérite d’être découverte par le plus grand nombre.

Commençons par ce qui me semble le plus important dans une BD : le dessin. Je ne suis pas un expert, mais j’ai vraiment apprécié le coup de crayon de Jacques Lamontagne qui signe ici le dessin et le texte. Je vous laisse juger par vous-même en regardant la planche ci-dessous.


L’histoire quant à elle est vraiment bien faite et fait penser à un bon Sherlock Holmes.

Boston, 1929. Isaac Shelton est un ancien boxeur qu’un problème à l’épaule a contraint à changer de carrière. Celui-ci se lance alors dans le métier de journaliste. Alors qu’il se retrouve sur une scène de crime, un petit homme posté derrière lui, Thomas Felter, un libraire hypocondriaque et passionné de polars, arrive à résoudre le mystère grâce à son esprit de déduction.
Stupéfait par cette prouesse, Shelton tente de convaincre Felter de lui donner un coup de main pour résoudre une affaire des plus étranges.

Outre les personnages que j’ai trouvé très attachants, surtout Felter dans le lequel je me suis un peu retrouvé car en plus d’être libraire, je suis également « un peu » hypocondriaque, l’histoire et l’enquête sont intelligemment construites. De plus, toute l’histoire  se base sur un fait divers réel : la grande inondation de mélasse de Boston. Le 15 janvier 1919, à Boston, une citerne remplit de mélasse se rompit et déversa son contenu dans les rues de la ville du Massachusetts, tuant une vingtaine de personnes et en blessant 150 autres.

J’attends la prochaine enquête de nos deux compères avec grande impatience.


 "Shelton & Felter – La mort noire", est disponible aux Editions Kennes.

jeudi 1 février 2018

Les talons rouges


Une belle surprise ! Voilà ce que je pourrais dire de ce roman d’Antoine de Baecque.

Habitué jusque là par ses ouvrages sur l’Histoire, le cinéma et le théâtre, je fus un peu surpris lorsqu’il me fut présenté lors de soirée de rentrée littéraire des Editions Stock le premier roman de ce spécialiste de la Révolution française. Moyennement convaincu, non par le sujet, mais par l’angle utilisé par Antoine de Baecque, je déposai alors celui-ci sur la pile de mes livres à lire sans jamais la quitter.

Les semaines, les mois passent et j’en viens même à l’oublier. Par un heureux hasard, je retombe dessus en rangeant mes livres et décide, ne sachant que lire à ce moment là.

Au fil des pages je me suis laissé prendre par l’histoire la famille de Villemort entrainée dans les tourments de la grande Histoire, celle de la Révolution française.

Tout commence avec le patriarche de la famille, Henry de Villemort, qui voit le jour en 1569. Alors qu’il venait d’entrer dans sa vingt-troisième, le jeune chevalier commit l’irréparable en volant et fondant les calices de la cathédrale de Chartres pour en faire une bague qu’il offrit à sa maîtresse. À la suite de cet acte blasphématoire, Henry de Villemort fut excommunié par le Pape Clément VIII.  Il se retira alors jusqu’à sa mort, en 1611, dans un manoir au cœur de la forêt de Carnelle.
Mais, sa malédiction ne s’arrêta pas là. Semant la terreur autour de lui, Henry de Villemort était revenu à la vie et quelle vie, celle d’un vampire.
220 ans après sa naissance, c’est entouré d’une famille agrandit que le vieux noble se retrouve au cœur de la Révolution française. Mais, cette famille de vampires, à l’image de la France de l’époque va se diviser entre une génération attachée à l’ordre ancien et une jeunesse éprise de liberté. Cette jeunesse, chez les Villemort, est représentée par William et Louis qui s’investissent avec ferveur dans la politique.

Outre la saga familiale hors-norme, ce roman est également un document historique très riche et parfaitement documenté où foisonnent les anecdotes historiques. On y retrouve bien évidement des personnages clés de la Révolution française comme Robespierre, Danton ou Louis XVI à l’origine des évènements les plus importants de ce bouleversement politique, mais on y découvre aussi des personnes moins connues mais dont l’histoire est tout aussi passionnante. C’est ainsi qu’on y rencontre Equiano, figure emblématique de l’abolition de l’esclavage ou encore Jean Jacob, un joyeux centenaire reçu par le roi et la nouvelle Assemblée Nationale.

En conclusion, « Les talons rouges » est un premier et extraordinaire roman qui ravira autant les fans de vampirisme que les passionnés d’Histoire ou simplement les amoureux de littérature qui apprécieront le style d’Antoine de Baecque.


"Les talons rouges" d’Antoine de Baecque est disponible aux Editions Stock.

dimanche 21 janvier 2018

Entre deux mondes


Depuis "Code 93", j’attends avec impatience chaque nouveau roman d’Olivier Norek. Il est  un des auteurs que je veux toujours avoir en rayon dans les librairies où je travaille et que je conseille
avec toujours autant de plaisir.

Avec "Entre deux monde", nous n’aurons pas le droit à une enquête de Victor Coste, ni même à un véritable policier. Olivier Norek signe ici plutôt un roman noir, mais quel roman !
Nous plongeons au cœur d’un monde que nous ne connaissons pas ou très mal, un monde sombre, rongé par la guerre, la violence, la misère.

Tout commence en Syrie, dans un pays coupé en deux. Adam, policier, veut faire fuir sa famille de cet enfer et leur offrir un avenir meilleur en Europe. Il tente alors de faire passer sa femme et sa fille clandestinement pour qu’elles puissent rejoindre Calais, dernière étape avant l’Angleterre.
Mais comment les rejoindre ? Comment savoir si ce qu’il a de plus précieux au monde est arrivé en vie, en sécurité dans cette ville du nord au pays des droits de l’Homme ?

A son arrivé à Calais, sa femme et sa fille ne sont pas là, les retrouvailles tant espérées n’ont pas lieu. Adam va alors remuer ciel et terre pour les retrouver.

Et c’est au milieu de toute cette noirceur que quelques lueurs d’espoirs et d’humanité vont apparaître. Ces lueurs s’appellent Kilani, un garçonnet orphelin qu’Adam va protéger comme son propre fils. Ousmane un migrant qui va lui apprendre et l’aider à survivre dans ce monde étrange qu’est la jungle et Bastien, un policier français au grand cœur qui va se lier d’amitié avec Adam.

Outre son histoire qui nous tient en haleine de la première à la dernière page, « Entre deux mondes », nous montre une image de la jungle et des migrants, une autre image des calaisiens et des policiers. Tous recouvrent la part d’humanité dont ils ont été privés par le traitement journalistique et politique dont ils sont tous victimes. Les migrants deviennent des personnes comme nous, des pères, des mères, des enfants qui fuient avec pour seul espoir une vie meilleurs, ailleurs. Mais parmi eux, se cachent aussi de mauvaises personnes. Les calaisiens, de pauvres gens qui voient leurs commerces fermer, les touristes partir et qui sont perdus au milieu de tout ça. Et derrière les uniformes des policiers, des hommes qui s’étaient engagés pour défendre ceux qui en ont besoin et qui ont le sentiment de ne plus le faire et supportent tant bien que mal de devoir réaliser cette basse besogne.

Olivier Norek nous ouvre les yeux sur ces mondes si proches et pourtant si loin de nous. Sans prendre parti, sans être moralisateur, il nous fait voir la réalité en face. Et c’est un véritable coup en pleine figure que nous prenons.

"Entre deux mondes", d'Olivier Norek est disponible aux Editions Michel Lafon.