dimanche 13 mai 2018

Quand Dieu apprenait le dessin


Loin d'être triste, Venise est l'une des plus belles villes que j'ai eu la chance de visiter.

À bord du vaporetto, nous conduisant des bords de l'Italie à cette éternelle République de Venise, nous faisons également un voyage dans le temps. Déjà au loin se dessinent devant nos yeux les plus beaux monuments de la cité : la Basilique Santa Maria della Salute, le palais des doges, le campanile et la place San Marco.


San Marco ! Saint Marc ! Quelle bizarrerie de voir cet évangélisateur de l'Égypte, le premier évêque d'Alexandrie être le saint protecteur de la cité des doges.

Une bizarrerie qui prend ses sources aux confins du Moyen-Âge, au IXe siècle.

Fondée des siècles plus tôt, la petite lagune de Venise est le fruit de quelques peuples s'étant réfugiés sur ces îlots pour se protéger des envahisseurs.

Petit à petit, Venise s'agrandit et se développe grâce au commerce. Ses habitants se révèlent être de formidables marins et leurs flottes l'une des plus puissantes d'Europe et du bassin méditerranéen.

Seulement, en ces temps troublés, la ville est menacée par la fragilité de l'Empire de Charlemagne, sombrant dans la barbarie depuis que son fils Louis le Chauve lui a succédé.
Rome et ses papes successifs aimeraient quant à eux prendre la main sur la riche cité vénitienne.

Justinien, alors doge de la ville, trouva un moyen de se protéger : doter la ville de reliques saintes, lui conférant ainsi un caractère sacré.



L'édification de Venise sur ces reliques était également une plus belle histoire à raconter que celle des fuyards.

Mais quel saint choisir ? Ce sera Saint Marc, bien que celui-ci n'ayant fait que passer dans la lagune, rapatrier les ossements du saint en terre chrétienne alors qu'ils reposent en terre musulmane est un symbole fort envoyé au monde.

Le tribun Rustico pratique, avec quelques décennies d'avance, un véritable commerce triangulaire.
Contre quelques pièces d'or ou des épices, il fourni aux phéniciens et aux égyptiens des esclaves qu'il se procure en Europe.
Durant l'un de ses voyages, il fait la rencontre du moine Thodoald qui se balance corde au cou à la branche d'un arbre. Des villageois en colère s'étaient persuadés que ce moine était responsable de la perte de leur récolte.
Sauvé de justesse, ce moine soiffard et lubrique lui sera à son tour de bon secours face à un tribunal ecclésiastique l'accusant d'hérésie.

De retour à Venise, Justinien lui confit cette mission exceptionnelle : voler au nez et à la barbe des musulmans les ossements de Saint Marc.
S'organise alors une expédition complètement folle. Accompagnés du Tribun Bon, voilà Rustico et Thodoald en chemin pour Alexandrie.
Comment arriver à leur fin ? Sortir les armes serait un suicide. C'est alors par la ruse qu'ils devront dérober les saintes reliques.


Dans un roman admirablement écrit, Patrick Rambaud nous fait revivre cette épopée palpitante que seul le Moyen-Âge pouvait nous offrir.

"Quand Dieu apprenait le dessin" est publié aux éditions Grasset.




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