dimanche 11 février 2018

Entrez dans la danse



Je mourrais d'envie pour vous parler de ce livre, de vous faire écouter ou réécouter la fabuleuse danse macabre de Camille de Saint Saens, car la danse dans laquelle nous invite Jean Teulé dans son dernier roman est une danse noire.

Prenons la destination du Saint-Empire Romain Germanique et plus particulièrement la capitale alsacienne, Strasbourg. Depuis 1262, la cité strasbourgeoise, affranchie de l’autorité de son prince-évêque est devenue une ville libre. La petite république strasbourgeoise va donc élire ses représentants. L’ammeister, le chef de la ville est élu par les délégués des corporations pour un an

Petit à petit, grâce notamment au commerce fluvial, Strasbourg va s’agrandir et s’enrichir au fil des siècles. Devenue une véritable place forte, la vie intellectuelle va considérablement être bouleversée par une toute nouvelle invention, l’imprimerie. Dès lors la ville va accueillir près d’une dizaine d’imprimerie faisant d’elle un véritable centre d’imprimerie.
C’est donc sans surprise que l’on voit de nombreux intellectuels et artistes attirés par Strasbourg.

Mais, plus haut on est monté, plus la chute est violente.


Juillet 1518, l’Ammeister de Strasbourg Andreas Drachenfels, marchand de bière de métier aurait bien besoin d’une petite mousse pour se rafraîchir. Accablé par la chaleur de l’été et la sécheresse, les strasbourgeois sont en plus frappé par une véritable famine.

Une belle jeune fille déambule dans les rues de la cité avec un nourrisson dans les bras, se dirige vers la rivière et d’un geste empli de désespoir y jette le pauvre nouveau né. Frau Troffea retourne alors auprès de son mari, un graveur de Strasbourg, assurant à sa femme que se débarrasser de l’enfant était la meilleure chose à faire. Leurs voisins, les Gebviller, eux ont opté pour une toute autre solution.

Sans dire un mot, Frau Troffea va se lever, se diriger dans la rue et danser. Se rongeant les dents avec les os de leur enfant qu’ils viennent de manger, les Gebviller regardent interloqués la jeune femme se trémousser. De petits picotements se font alors ressentir dans les jambes de Jérôme Gabviller qui se lève et danse à son tour.

Cette danse va peu à peu s’étendre et entraîner de plus en plus de personnes qui vont se mettre à danser sans pouvoir s’arrêter. Durant plusieurs jours, c’est avec le diable au corps que ces malheureux vont se déhancher jusqu’à tomber de fatigue. Près de 400 strasbourgeois vont entrer dans cette danse macabre.

C’est ce fait divers des plus étranges que Jean Teulé raconte dans son dernier roman avec son style et son humour qui font son succès depuis ses débuts. Certes le langage utilisé et assez fleuris (comme toujours avec Teulé) ne colle pas à l’époque, mais cet anachronisme ne retire rien à la qualité et l’intérêt de ce roman historique.

A l’ombre des murs des bâtiments officiels et religieux de la ville, l’Ammeister et l’évêque de Strasbourg se disputent sur la résolution de cette épidémie. Si le premier fait tout d’abord appel aux médecins pour venir en aide à la population, il comprend vite que ce qui pousse les gens à la folie c’est la faim. Le religieux lui, y voit la colère divine et se refuse d’ouvrir le garde-manger de l’Eglise.

Si la ville est libérée de son prince-évêque, le représentant de l’Eglise n’en a pas moins la vie d’un prince. Tout comme le Saint-Siège fait payer depuis quelques temps la clémence de dieu (les indulgences) pour financer ses folies architecturales, Guillaume de Honstein capte toutes les richesses et les denrées alimentaires pour son propre compte.


Dans le même temps, les idées d’un moine encore inconnu dénonçant tous ces excès fleurissent un peu partout sur les portes de Strasbourg…mais qui est donc ce Martin Luther ?

Outre ce phénomène étrange et la manière dont il est traité par les autorités de la ville, c’est une véritable critique des travers du catholicisme, mais plus encore, c’est la naissance d’une nouvelle religion qui allait changer le court de l’Histoire qui nous est conté  par Jean Teulé.

Je ne peux pas m’empêcher d’ailleurs de vous retranscrire, en intégralité, le dernier chapitre : « Cinquante-quatre ans plus tard, c’était la Saint-Barthélemy ».

Ce court chapitre est en autre une invitation à lire ou relire « Charlie 9 » de Jean Teulé qui vous conduira dans les coulisses de ce massacre, mais aussi une formidable transition pour le prochain article que je vous proposerai.

En attendant, je vous laisse entrer dans la danse.


Vous pouvez également en découvrir un peu plus en retrouvant l'excellent Frank Ferrand qui y a consacré un épisode de son émission "Au cœur de l'Histoire" : http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-de-l-histoire/lintegrale-la-danse-mortelle-07022018-3568091

"Entrez dans la danse" de Jean Teulé, est publié aux Editions Julliard




jeudi 8 février 2018

Victor Hugo vient de mourir


Au détour d'une rue lors d'une promenade dans Paris, je me retrouvai par le plus grand des hasards mais également par le plus grand des bonheurs Place Victor Hugo.

C'est non loin de là, au 124 de l'Avenue de l'Eylau que, Victor Hugo, le plus illustre des poètes et des auteurs français prit ses appartements à la fin des années 1870.

A l'aube de son quatre-vingtième anniversaire, Paris lui offrit une fête immense et lui rendit le plus beau des hommages en renommant l'avenue qui allait dorénavant porter le nom du poète et en défilant sous ses fenêtres pour le voir et le saluer chaleureusement.


Ce parcours nous mène au roman de Judith Perrignon, ancienne journaliste de "Libération" et pigiste pour des revues comme "Marianne" ou "XXI".

Le 22 mai 1885, "monsieur Victor Hugo, en son avenue", rendit son dernier soupir. La France fut saisi par cette perte immense. C'est un véritable séisme qui ébranla alors non seulement la famille, mais qui fit également trembler la IIIe Répulique. 

130 ans après la disparition de Victor Hugo, elle nous fait revivre ces quelques jours nous séparant du moment où Victor Hugo rendit l'âme à celui de son enterrement. C'est tout d'abord la tristesse d'une famille perdant un être cher qui nous est dépeinte. Mais, ce qui prit alors le plus d'importance et que nous retranscrit formidablement Judith Perrignon fut la réaction du peuple et la crainte que celle-ci provoqua chez les hommes politiques. En effet, toute sa vie et durant sa carrière politique, Victor Hugo se fit la voix du peuple et le gouvernement Ferry eu peur que cette mort soit reprise par les anarchistes ou d'autre contre la République.

"Victor Hugo vient de mourir", est un roman historique passionnant, écrit telle une chronique de l'époque nous faisant découvrir heures après heures cet événement  de l'intérieur.


Edité chez l'Iconoclaste, "Victor Hugo vient de mourir" est également disponible aux Editions Pocket.

samedi 3 février 2018

Shelton & Felter



Changeons un peu de registre ! Quittons l’univers des romans pour faire un tour du coté de la bande dessinée, qui était à l’honneur il y a peu lors du festival international d’Angoulême.
Certes la BD dont je vais vous parler, "Shelton & Felder" de Jacques Lamontagne n’y a reçu aucune récompense, mais elle mérite d’être découverte par le plus grand nombre.

Commençons par ce qui me semble le plus important dans une BD : le dessin. Je ne suis pas un expert, mais j’ai vraiment apprécié le coup de crayon de Jacques Lamontagne qui signe ici le dessin et le texte. Je vous laisse juger par vous-même en regardant la planche ci-dessous.


L’histoire quant à elle est vraiment bien faite et fait penser à un bon Sherlock Holmes.

Boston, 1929. Isaac Shelton est un ancien boxeur qu’un problème à l’épaule a contraint à changer de carrière. Celui-ci se lance alors dans le métier de journaliste. Alors qu’il se retrouve sur une scène de crime, un petit homme posté derrière lui, Thomas Felter, un libraire hypocondriaque et passionné de polars, arrive à résoudre le mystère grâce à son esprit de déduction.
Stupéfait par cette prouesse, Shelton tente de convaincre Felter de lui donner un coup de main pour résoudre une affaire des plus étranges.

Outre les personnages que j’ai trouvé très attachants, surtout Felter dans le lequel je me suis un peu retrouvé car en plus d’être libraire, je suis également « un peu » hypocondriaque, l’histoire et l’enquête sont intelligemment construites. De plus, toute l’histoire  se base sur un fait divers réel : la grande inondation de mélasse de Boston. Le 15 janvier 1919, à Boston, une citerne remplit de mélasse se rompit et déversa son contenu dans les rues de la ville du Massachusetts, tuant une vingtaine de personnes et en blessant 150 autres.

J’attends la prochaine enquête de nos deux compères avec grande impatience.


 "Shelton & Felter – La mort noire", est disponible aux Editions Kennes.

jeudi 1 février 2018

Les talons rouges


Une belle surprise ! Voilà ce que je pourrais dire de ce roman d’Antoine de Baecque.

Habitué jusque là par ses ouvrages sur l’Histoire, le cinéma et le théâtre, je fus un peu surpris lorsqu’il me fut présenté lors de soirée de rentrée littéraire des Editions Stock le premier roman de ce spécialiste de la Révolution française. Moyennement convaincu, non par le sujet, mais par l’angle utilisé par Antoine de Baecque, je déposai alors celui-ci sur la pile de mes livres à lire sans jamais la quitter.

Les semaines, les mois passent et j’en viens même à l’oublier. Par un heureux hasard, je retombe dessus en rangeant mes livres et décide, ne sachant que lire à ce moment là.

Au fil des pages je me suis laissé prendre par l’histoire la famille de Villemort entrainée dans les tourments de la grande Histoire, celle de la Révolution française.

Tout commence avec le patriarche de la famille, Henry de Villemort, qui voit le jour en 1569. Alors qu’il venait d’entrer dans sa vingt-troisième, le jeune chevalier commit l’irréparable en volant et fondant les calices de la cathédrale de Chartres pour en faire une bague qu’il offrit à sa maîtresse. À la suite de cet acte blasphématoire, Henry de Villemort fut excommunié par le Pape Clément VIII.  Il se retira alors jusqu’à sa mort, en 1611, dans un manoir au cœur de la forêt de Carnelle.
Mais, sa malédiction ne s’arrêta pas là. Semant la terreur autour de lui, Henry de Villemort était revenu à la vie et quelle vie, celle d’un vampire.
220 ans après sa naissance, c’est entouré d’une famille agrandit que le vieux noble se retrouve au cœur de la Révolution française. Mais, cette famille de vampires, à l’image de la France de l’époque va se diviser entre une génération attachée à l’ordre ancien et une jeunesse éprise de liberté. Cette jeunesse, chez les Villemort, est représentée par William et Louis qui s’investissent avec ferveur dans la politique.

Outre la saga familiale hors-norme, ce roman est également un document historique très riche et parfaitement documenté où foisonnent les anecdotes historiques. On y retrouve bien évidement des personnages clés de la Révolution française comme Robespierre, Danton ou Louis XVI à l’origine des évènements les plus importants de ce bouleversement politique, mais on y découvre aussi des personnes moins connues mais dont l’histoire est tout aussi passionnante. C’est ainsi qu’on y rencontre Equiano, figure emblématique de l’abolition de l’esclavage ou encore Jean Jacob, un joyeux centenaire reçu par le roi et la nouvelle Assemblée Nationale.

En conclusion, « Les talons rouges » est un premier et extraordinaire roman qui ravira autant les fans de vampirisme que les passionnés d’Histoire ou simplement les amoureux de littérature qui apprécieront le style d’Antoine de Baecque.


"Les talons rouges" d’Antoine de Baecque est disponible aux Editions Stock.